L’Initiative Médicaments contre les Maladies Négligées (DNDi), organisation de recherche médicale à but non lucratif, a lancé un partenariat avec des institutions de recherche situées dans des pays où la dengue est endémique, dans l’objectif de trouver d’ici cinq ans un traitement sûr, abordable et efficace contre cette maladie.
Le premier institut à rejoindre le projet est la prestigieuse Faculté de médecine du Siriraj Hospital de l’Université Mahidol en Thaïlande.
La dengue est une maladie tropicale négligée dont la propagation est influencée par le réchauffement climatique et qui est considérée comme l’une des dix principales menaces pour la santé publique dans le monde. Malgré un nombre d’infections estimé à 390 millions chaque année dans plus de 100 pays, aucun traitement spécifique n’existe.
« Il nous faut immédiatement répondre à ce besoin de traitements contre la dengue – des médicaments qui soient sûrs, efficaces, abordables et accessibles à tous les patients », a déclaré le Dr Bernard Pécoul, directeur exécutif de DNDi, lors d’un événement organisé à Bangkok. « Pour y parvenir, il est crucial que les pays où la dengue est endémique montrent la voie à suivre. Nous sommes ravis de travailler avec la Thaïlande, notre tout premier partenaire. »
« Trouver des traitements est d’autant plus important que la dengue se propage rapidement, notamment en raison du réchauffement climatique qui devrait accroître l’impact de la maladie dans les régions endémiques, et contribuer à voir celle-ci se propager dans des régions précédemment épargnées. »
Les symptômes de la dengue peuvent inclure la fièvre, les nausées, le vomissement, les courbatures et des douleurs musculaires, articulaires ou osseuses si atroces que la maladie est surnommée en anglais « fièvre des os brisés » (breakbone fever). Si l’infection progresse vers une forme grave, les personnes affectées peuvent souffrir de traumatismes, d’hémorragies internes et de défaillances viscérales – il y a aussi un risque de décès. La maladie pèse lourdement sur les systèmes de santé publique des pays endémiques.
Plus de 70 % de la charge de morbidité est estimée être en Asie, tandis que l’incidence augmente rapidement dans d’autres régions – notamment aux Amériques, où plus de 3,1 millions d’infections ont été comptées en 2019. Les cas se multiplient également dans certaines régions d’Afrique. La Thaïlande enregistre chaque année des dizaines de milliers de cas de dengue, avec des flambées importantes tous les 2 à 3 ans, comme en 2019 lorsque le pays a enregistré plus de 131 000 cas.
« Même au cœur de la pandémie de COVID-19, il est important que nous ne perdions pas de vue les efforts visant à lutter contre d’autres maladies qui touchent des millions de personnes à travers le monde », a déclaré le Dr Prasit Watanapa, doyen de la Faculté de médecine du Siriraj Hospital de l’Université Mahidol.
« Malgré des travaux approfondis de recherche et de développement pour identifier des traitements contre la dengue, et les efforts déployés pour mettre au point de nouveaux vaccins, les résultats obtenus ne sont pas encore suffisants. La collaboration avec DNDi constitue une première étape cruciale pour travailler avec les organisations internationales afin de promouvoir et de développer le potentiel de la Thaïlande comme l’un des centres de R&D médicale parmi les plus reconnus en Asie du Sud-Est, et de contribuer à lutter durablement contre la dengue en Thaïlande ».
Dans le monde, le nombre de nouveaux cas de dengue a augmenté de 85 % entre 1990 et 2019. La hausse des températures liée au changement climatique devrait entraîner une augmentation des taux de survie, de reproduction et de piqûre des moustiques porteurs de la maladie. Le nombre de personnes qui seront exposées au risque de dengue en 2080 a été estimée à 60 % de la population mondiale, en raison du réchauffement climatique, de l’urbanisation rapide et de la forte croissance démographique.
Ce nouveau partenariat vise donc à trouver des nouvelles solutions thérapeutiques pour traiter la dengue, prévenir l’évolution vers une forme grave de la maladie et alléger la pression qui pèse sur les systèmes de santé.
DNDi et ses partenaires travailleront sur des projets communs visant à faire progresser les essais précliniques de traitements possibles, tester l’efficacité de plusieurs médicaments reconvertis et mettre sur pied des essais cliniques pour les traitement les plus prometteurs. Ils coordonneront leurs efforts afin de pallier au manque de connaissances, d’accélérer la recherche clinique et les approbations réglementaires, mais aussi de répondre aux besoins concernant les outils de diagnostics. Le partenariat compte également lever des fonds et mobiliser des ressources tout en partageant les connaissances issues de ses recherches.
DNDi s’apprête à signer un accord similaire avec l’Institut transnational des sciences et technologies de la santé (THSTI) en Inde, tandis que les discussions avec l’Institut de recherche médicale (IMR) du Ministère de la santé en Malaisie, et la Fondation Oswaldo Cruz au Brésil avancent rapidement. Entre-temps, l’organisation encouragera des pays d’Afrique, comme la République démocratique du Congo et le Ghana, à réaliser des études épidémiologiques afin de mieux comprendre la maladie dans ces régions.
La réponse scientifique à la pandémie de COVID-19 a permis des avancées majeures et rapides en matière de santé mondiale ; mais elle a également mis en évidence de profonds déséquilibres et inégalités dans ce domaine. Le partenariat sur la dengue, qui s’appuie sur l’expérience de DNDi en matière de coopération Sud-Sud pour les recherches sur l’hépatite C et le COVID-19, vise à montrer comment il est possible de réimaginer la coordination, la collaboration et le financement de la R&D dans le domaine de la santé mondiale. Le but est de soutenir une approche plus décentralisée et plus démocratique de la production de connaissances et de l’innovation en tant que biens publics mondiaux.
Depuis sa création en 2003, DNDi a développé et homologué neuf nouveaux traitements contre les maladies négligées telles que la maladie du sommeil, la leishmaniose viscérale et cutanée, la maladie de Chagas et le VIH pédiatrique. C’est la première fois que ses chercheurs consacrent leurs efforts à la dengue.
A propos de DNDi
Organisation de recherche et de développement à but non lucratif, l’Initiative Médicaments contre les Maladies Négligées (DNDi ou Drugs for Neglected Diseases initiative) œuvre pour fournir de nouveaux traitements contre les maladies négligées, notamment la maladie de Chagas, la maladie du sommeil (trypanosomiase humaine africaine), la leishmaniose, certaines filarioses et le mycétome, ainsi que pour les patients négligés, particulièrement ceux qui vivent avec le VIH pédiatrique et l’hépatite C. DNDi coordonne par ailleurs l’essai clinique ANTICOV afin de trouver des traitements contre les formes légères à modérées de COVID-19 en Afrique. Depuis sa création en 2003, DNDi a déjà mis à disposition neuf traitements innovants, notamment de nouvelles associations thérapeutiques contre le kala-azar, deux antipaludiques à dose fixe et la première nouvelle entité chimique développée par DNDi, le fexinidazole, approuvé en 2018 pour le traitement des deux stades de la maladie du sommeil. dndi.org
Le programme sur la dengue s’appuiera sur l’expérience acquise par DNDi dans la recherche sur l’hépatite C qui, grâce à une collaboration fructueuse avec le Ministère malaisien de la santé et d’autres partenaires, voit aujourd’hui les patients malaisiens avoir accès aux traitements les moins coûteux d’Asie du Sud-Est. Dans le même temps, les inégalités flagrantes dans la riposte mondiale à la pandémie de COVID-19 ont conduit DNDi à déployer une série d’initiatives, notamment l’essai clinique ANTICOV, qui est l’un de plus importants pour les traitements précoces de la COVID-19 à être mené par des pays à revenu faible et intermédiaire.
Contact presse
Frédéric Ojardias (Genève)
fojardias@dndi.org
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Photo credit: Luke Duggleby-DNDi