Ces résultats laissent entrevoir la possibilité d’un changement de paradigme concernant le traitement de cette maladie mortelle
Les résultats d’études cliniques menées par DNDi (Drugs for Neglected Diseases initiative) et ses partenaires ont montré l’efficacité et la sécurité du premier traitement entièrement oral contre la trypanosomiase humaine africaine à Trypanosoma brucei gambiense (g-THA). Ces résultats ont été publiés aujourd’hui dans The Lancet.
La THA (ou maladie du sommeil), généralement mortelle en l’absence de traitement, est transmise par la piqûre d’une mouche tsé-tsé infectée. 98% des cas déclarés de maladie du sommeil sont dus à Trypanosoma brucei gambiense.
Entre 2012 et 2016, une étude pivot de phase II/III randomisée et ouverte a comparé l’efficacité et la sécurité du nouveau traitement, le fexinidazole, avec le traitement de première intention actuel, soit l’association thérapeutique nifurtimox-eflornithine (NECT), chez des patients souffrant de g-THA à la phase méningo-encéphalique (stade 2). 394 patients ont été recrutés dans 10 sites en République démocratique du Congo (RDC) et en République centrafricaine. Les taux de guérison 18 mois après la fin du traitement étaient de 91,2% pour le fexinidazole, contre 97,6% pour NECT. Ces résultats indiquent que l’efficacité du fexinidazole se situe dans la fourchette d’acceptabilité prédéterminée, fondée sur une enquête menée auprès de praticiens, qui permet de refléter l’avantage significatif d’un traitement de première intention administré par voie orale. Aucune différence majeure concernant la sécurité n’a été mise en évidence.
« NECT est un traitement extrêmement efficace contre la maladie du sommeil et a joué un rôle important dans la réduction du fardeau mondial de cette maladie mortelle à moins de 2’500cas par an aujourd’hui. Cependant, l’administration de NECT nécessite de multiples injections et une infrastructure hospitalière conséquente, ce qui limite l’accès des patients dans les zones reculées et pèse lourdement sur le système de santé, » explique le Dr Victor Kandé, consultant expert sur les maladies tropicales négligées au Ministère de la Santé Publique de RDC, investigateur principal pour les trois études et auteur principal de l’article de The Lancet. « Un médicament administré par voie oraleferait une réelle différence car il éliminerait de nombreux obstacles au traitement, notamment le besoin en personnel médical et infirmier qualifié pour administrer le traitement par voie parentérale. »
Avant le développement de NECT par DNDi et ses partenaires, les malades atteints de g-HAT étaient souvent traités avec un dérivatif d’arsenic qui provoquait la mort de 1 patient sur 20. NECT a remplacé ce traitement toxique pour g-HAT, mais une ponction lombaire est toujours indispensable pour déterminer le stade de la maladie chez un patient. Fexinidazole étant efficace contre les deux stades de la maladie, la ponction lombaire ne sera plus nécessaire.
Deux études complémentaires ont en effet confirmé l’efficacité du fexinidazole, 12 mois après la fin du traitement, chez des patients souffrant de g-THA à la phase lymphatico-sanguine (stade 1) ou au stade 2 précoce (98,7%), ainsi que chez des enfants (97,6%). L’étude sur la g-THA au stade 1 et au stade 2 précoce a été réalisée chez 230 patients, et 125 enfants ont été inclus dans l’étude pédiatrique. Ces études n’ont pas montré de nouveaux signaux en matière de sécurité dans l’usage du fexinidazole.
« Disposer d’un médicament oral comme futur traitement de première intention, avec NECT en deuxième intention, c’est apporter un changement de paradigme dans la manière dont les programmes nationaux et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) prennent en charge la maladie, et faciliter son intégration dans le système de santé national, » explique le Dr Nathalie Strub-Wourgaft, Directrice Médicale de DNDi. « Le moment venu, le traitement pourrait être administré dans des centres de soins de santé primaires, éliminant ainsi la nécessité d’hospitaliser les patients, voire même pour la première fois permettre la prise du traitement au domicile des patients. »
Ces résultats permettent à Sanofi, partenaire industriel de DNDi pour le développement du fexinidazole, d’entreprendre les démarches auprès de l’Agence européenne des médicaments (EMA), au titre de l’Article 58 (procédure permettant à l’EMA de rédiger des avis, en association avec l’OMS et les autorités réglementaires des pays endémiques, sur des médicaments à usage humain destinés à être mis sur les marchés exclusivement hors de l’Union européenne) en vue d’une approbation réglementaire et pour assurer un futur accès des patients au fexinidazole dans les pays où la THA est endémique.
« L’évolution de la maladie du sommeil indique qu’elle a tendance à resurgir lorsqu’elle semble être maîtrisée, » commente le Dr Gautam Biswas, Directeur par intérim du Département de lutte contre les maladies tropicales négligées de l’OMS. « Le fexinidazole pourrait contribuer de manière significative et durable à l’élimination de la maladie du sommeil. »
Le programme national de lutte contre la trypanosomiase humaine africaine (PNLTHA) en RDC a joué un rôle clé dans la mise en œuvre des études.
« Le développement du fexinidazole au cours des dix dernières années témoigne de la valeur du modèle de R&D alternatif et à but non lucratif, ainsi que de l’approche de DNDi consistant à forger des partenariats solides avec l’OMS, les ministères de la santé des pays endémiques, les programmes nationaux de lutte contre les maladies et l’industrie pharmaceutique, » déclare le Dr Bernard Pécoul, Directeur Exécutif de DNDi. « Ce succès est partagé avec tous nos partenaires et donateurs. »
Contacts pour les médias
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Notes
À propos de la maladie du sommeil
La maladie du sommeil (aussi appelée trypanosomiase humaine africaine ou THA) est provoquée par deux sous-espèces d’un parasite, toutes les deux transmises par la mouche tsé-tsé. Dans 98% des cas déclarés, la maladie du sommeil est due à la sous-espèce Trypanosoma brucei gambiense et cette g-THA est endémique dans 24 pays d’Afrique Occidentale et Centrale. La majorité (84%) des cas déclarés de THA se trouvent en République Démocratique du Congo, suivie de la République Centrafricaine, de la Guinée et du Tchad.
À propos de NECT
Jusqu’il y a peu, le meilleur traitement existant pour la maladie du sommeil, l’eflornithine en monothérapie, nécessitait l’administration de 56 perfusions intraveineuses et 14 jours d’hospitalisation. Par ailleurs, sa distribution et son utilisation soulevaient de tels problèmes dans les zones où les ressources sont limitées que les cliniciens le remplaçait souvent par le mélarsoprol, un médicament à base d’arsenic hautement toxique et qui entraînait la mort de 5% des personnes traitées. Les études cliniques menées par Epicentre, Médecins Sans Frontières (MSF) et DNDi ont confirmé la non infériorité de NECT, dont le schéma posologique est plus simple et plus court et présente des avantages considérables pour les patients, comparé à l’eflornithine en monothérapie. NECT est utilisé actuellement pour traiter 100% des cas déclarés de g-THA au stade 2.
À propos du fexinidazole
Dans les années 1970s, Hoechst (qui fait à présent partie de Sanofi) avait initié le développement préclinique du fexinidazole mais sans le poursuivre. En 2005, DNDi a identifié l’activité du composé contre le parasite responsable de la maladie du sommeil. Des études précliniques ont démarré en 2007, et en 2009, DNDi et Sanofi ont conclu un accord de collaboration pour le développement, la fabrication et la distribution du fexinidazole. DNDi est responsable du développement préclinique, clinique et pharmaceutique, et Sanofi est chargé du développement industriel, de l’autorisation, de la production et de la distribution du médicament. Les études de phase I ont débuté en 2010, et les études pivot de phase II/III en 2012.
Le programme de DNDi pour le développement du fexinidazole est financé par des subventions de la Fondation Bill & Melinda Gates, DFID (Département pour le développement international du Royaume-Uni), le Ministère des affaires étrangères des Pays-Bas, le Ministère fédéral de l’éducation et de la recherche d’Allemagne, GTZ (Agence allemande pour le développement), AFD (Agence française pour le développement), le Ministère français des affaires étrangères et européennes, NORAD (Agence norvégienne de coopération au développement), AECID (Agence espagnole de coopération internationale pour le développement), la République et Canton de Genève en Suisse, la DDC (Direction du développement et de la coopération suisse), Médecins Sans Frontières, ainsi que d’autres fondations privées et des particuliers.
À propos de DNDi
DNDi est une organisation à but non lucratif, spécialisée dans la recherche et le développement de nouveaux traitements contre les maladies négligées, particulièrement la trypanosomiase humaine africaine, la leishmaniose, la maladie de Chagas, les filarioses, le mycétome, le VIH pédiatrique et l’hépatite C. NECT est un des sept traitements délivrés par DNDi depuis sa création en 2003. Le fexinidazole est la première nouvelle entité chimique de DNDi à avoir complété avec succès les études cliniques de phase II/III.
Photo credit: Neil Brandvold-DNDi