Les résultats de la première étude clinique randomisée en double aveugle jamais réalisée sur la forme fongique du mycétome ont démontré qu’un nouveau traitement par voie orale, appelé fosravuconazole, est sûr, efficace et facile à utiliser par les patients.
Les résultats de cette étude clinique de Phase II ont été annoncés par l’organisation de recherche médicale à but non lucratif initiative Médicaments contre les Maladies Négligées (Drugs for Neglected Diseases initiative, ou DNDi, en anglais) lors de la 13ème édition du Congrès européen de médecine tropicale et santé internationale (ECTMIH) à Utrecht aux Pays-Bas. DNDi a coordonné l’étude menée au Soudan en partenariat avec le Centre de Recherche sur le Mycétome (MRC) à Khartoum, Erasmus MC aux Pays-Bas, et la société pharmaceutique japonaise Eisai Co., Ltd. (Eisai).
Le mycétome, une infection chronique et invalidante due à des bactéries (actinomycétome) ou des champignons (eumycétome), est une des maladies les plus négligées au monde. Elle est endémique dans de nombreux pays d’Afrique, d’Asie et des Amériques, le Soudan et le Mexique enregistrant le plus grand nombre de cas. La maladie se contracte généralement suite à une piqûre d’épine chez les personnes qui marchent pieds nus. Le mycétome touche principalement les jeunes adultes, les enfants représentant environ 20 à 25 % des cas de mycétome selon le MRC.
Le mycétome est une infection évolutive qui démarre le plus souvent, mais pas exclusivement, au niveau du pied et s’étend aux tissus mous et aux os. Avec le temps, des déformations importantes peuvent apparaître, entraînant un handicap considérable. Le mycétome a de lourdes conséquences sur la santé mentale en raison de la stigmatisation associée à l’évolution chronique et persistante de la maladie, et de l’absence de traitements efficaces qui conduit souvent à l’amputation.
« Le mycétome touche les populations les plus pauvres dans les régions les plus reculées, » a déclaré le Prof. Ahmed Fahal, Professeur de chirurgie à l’Université de Khartoum et Directeur du MRC. « Les personnes qui marchent pieds nus sont les plus exposées, principalement les travailleurs agricoles et les enfants. Le traitement actuel de la maladie n’est pas satisfaisant en raison de sa longueur (plusieurs mois), ainsi que du coût élevé et du manque de disponibilité des médicaments, et de leurs effets secondaires importants. La maladie peut entraîner de graves complications, voire la mort. Dans les cas les plus graves, l’amputation est souvent la seule solution. »
En 2017, en partenariat avec le MRC et Eisai, DNDi a lancé une étude clinique sur un nouveau traitement, l’antifongique fosravuconazole, initialement développé par Eisai pour traiter l’onychomycose. Cette étude est la première étude clinique randomisée en double aveugle jamais réalisée pour l’eumycétome et vise à évaluer la supériorité du fosravuconazole par rapport à l’itraconazole, qui est le traitement de référence dans les zones endémiques.
Ses résultats ont montré que les deux médicaments ont une efficacité similaire, avec un taux d’efficacité du fosravuconazole égal à 65 % et 85 %, respectivement, dans les bras à 300 mg et 200 mg, contre 80 % pour l’itraconazole à 400 mg (ce dernier taux s’est révélé plus élevé que ce que laissaient attendre les données précédentes).* Bien que la différence entre ces taux d’efficacité ne soit pas statistiquement significative, le fosravuconazole présente des avantages significatifs par rapport au traitement de référence.
« La posologie du fosravuconazole est de deux comprimés une fois par semaine, contre quatre comprimés par jour pour l’itraconazole, ce qui réduit considérablement le nombre de comprimés à prendre (huit comprimés par mois contre 120 actuellement). Cet avantage simplifiera largement le traitement pour les patients et en améliorera l’observance, » a déclaré le Prof. Fahal.
« Outre le fait qu’il n’est administré qu’une fois par semaine, le fosravuconazole présente plusieurs autres avantages par rapport aux traitements existants, » a ajouté la Dre Borna Nyaoke, Responsable du programme Mycétome chez DNDi. « Son effet n’étant pas influencé par la prise de nourriture, les patients peuvent le prendre avant ou après un repas. Par ailleurs, il interagit peu avec d’autres médicaments, ce qui est particulièrement important pour la population subsaharienne, qui suit parfois plusieurs autres traitements pour des pathologies telles que le VIH ou la tuberculose. Tous ces éléments font du fosravuconazole une alternative thérapeutique intéressante pour le mycétome. »
DNDi et ses partenaires ont présenté les résultats de l’étude clinique aux autorités de réglementation des médicaments du Soudan, le National Medicines and Poisons Board. En raison de l’importance de cette maladie négligée pour la santé publique, le Ministère soudanais de la Santé a autorisé l’utilisation du fosravuconazole dans des conditions contrôlées pour le traitement des patients atteints de mycétome pris en charge par le MRC. Toutefois, le conflit en cours au Soudan pourrait empêcher les patients d’accéder aux médicaments dont ils ont besoin.
« Le mycétome est une maladie tropicale négligée unique qui touche de manière disproportionnée les populations les plus vulnérables. Nous avons franchi une étape importante en développant le fosravuconazole, qui simplifiera le traitement du mycétome fongique grâce à ses propriétés pharmacocinétiques favorables, » a déclaré le Dr Kappei Tsukahara, Responsable du domaine de R&D Microbes et Défenses de l’Hôte, et Directeur des laboratoires de recherche d’Eisai à Tsukuba. « Nous continuerons de travailler avec nos partenaires pour mettre le fosravuconazole à la disposition de tous ceux qui en ont besoin le plus rapidement possible. »
Étant donné le manque de surveillance et de ressources pour mener des études sur le mycétome, les données épidémiologiques sont limitées et sa prévalence mondiale reste inconnue. Cependant, DNDi et ses partenaires ont pour objectif de combler ce manque de connaissances en évaluant les besoins locaux en termes de traitement dans les principaux pays endémiques, par le biais d’une analyse de la littérature, du receuil de données rétrospectives et d’enquêtes épidémiologiques sur le terrain.
Cet essai clinique a bénéficié du soutien financier du Global Health Innovative Technology Fund (GHIT), Japon ; de la Direction du développement et de la coopération (DDC), Suisse ; de la République et Canton de Genève par le biais de son Service de la solidarité internationale, Suisse ; du Ministère des Affaires étrangères (DGIS) néerlandais, Pays-Bas ; de UK Aid, Royaume-Uni ; de Médecins Sans Frontières International (MSF) ; et de MSF Suisse.
* Addendum de clarification: ces données sont issues d’une analyse sur la base du protocole. L’intervention étudiée consistait en une administration de fosravuconazole, ou d’itraconazole, en association avec une opération de chirurgie. Un manuscrit est en cours de soumission pour une évaluation par les pairs.
A propos de DNDi
Organisation de recherche et de développement à but non lucratif, DNDi œuvre pour fournir de nouveaux traitements contre les maladies négligées, notamment la maladie du sommeil, la leishmaniose, la maladie de Chagas, la cécité des rivières, le mycétome, la dengue, le VIH pédiatrique, la méningite cryptococcique et l’hépatite C. Ses priorités de recherche incluent la santé de l’enfant, la R&D sensible aux questions de genre, ainsi que les maladies affectées par le réchauffement climatique. Depuis sa création en 2003, DNDi a collaboré avec des partenaires publics et privés du monde entier pour mettre à disposition douze nouveaux traitements, sauvant ainsi des millions de vies. dndi.org
À propos du Centre de recherche sur le mycétome
Le Centre de recherche sur le mycétome (MRC) au Soudan est l’un des principaux centres de recherche et de prise en charge du mycétome dans le monde. Depuis 28 ans, il fournit des soins médicaux de qualité aux patients atteints de cette maladie, principalement dans les zones rurales du Soudan, mais aussi dans plusieurs autres pays, dont le Tchad et le Yémen. Créé en 1991, le MRC a été inscrit par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) comme le premier et le seul centre collaborateur consacré au mycétome en 2015. À ce jour, le MRC a traité plus de 10 000 patients.
À propos de Eisai Co., Ltd.
Le Health Care Concept d’Eisai consiste à « accorder la priorité aux patients et aux personnes du quotidien et à étendre les progrès des soins de santé à tous ». Conformément à ce concept, nous nous efforçons d’œuvrer pour le bien social en soulageant l’anxiété et en réduisant les disparités en matière de santé. Grâce à un réseau mondial d’installations de R&D, de sites de production et de filiales de commercialisation, nous nous efforçons de créer et de fournir des produits innovants pour répondre aux besoins médicaux non satisfaits, en particulier dans nos domaines stratégiques que sont la neurologie et l’oncologie.
Par ailleurs, nous démontrons notre engagement en faveur de l’élimination des maladies tropicales négligées (MTN), la cible 3.3 de l’Objectif de développement durable 3 des Nations Unies, à travers diverses activités menées en collaboration avec des partenaires mondiaux.
Pour plus d’informations sur Eisai, veuillez consulter le site eisai.com (Siège mondial : Eisai Co., Ltd.).
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