Les résultats d’une étude clinique de phase III démontrent que la Combinaison Thérapeutique de Nifurtimox et d’Eflornithine (NECT) est bien tolérée et efficace dans le traitement de la maladie du sommeil à T. b. gambiense au stade avancé, une maladie mortelle qui menace 60 millions de personnes en Afrique Sub-saharienne.
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Les résultats positifs d’une étude clinique de phase III, portant sur une amélioration thérapeutique contre la maladie du sommeil au stade avancé ont été présentés hier au 57ème congrès annuel de l’ASTMH (American Society of Tropical Medicine & Hygiene), à la Nouvelle-Orléans. Les conclusions de cette étude montrent que NECT est un traitement sûr, efficace et pratique.
Mortelle en l’absence de traitement, la maladie du sommeil (trypanosomiase humaine africaine, ou THA) menace 60 millions de personnes dans 36 pays et a dévasté de nombreuses communautés en Afrique subsaharienne tout au long du siècle dernier. Parce que la THA au stade précoce n’est souvent pas détecté lors d’un premier diagnostique, la plupart des patients ne sont traités qu’au stade avancé de la maladie, dont l’issue est fatale sans traitement. Les options thérapeutiques actuelles pour le second stade sont soit toxiques, soit peu adaptées aux conditions rurales, isolées et extrêmement pauvres des régions où persiste la maladie. Le risque de développement de résistances aux deux médicaments actuellement disponibles est également problématique.
L’étude clinique a duré cinq ans et a recruté 280 patients sur 4 sites différents. Elle a comparé la tolérabilité et l’efficacité de NECT – un traitement associant le nifurtimox par administration orale et l’éflornithine par voie intraveineuse – à l’éflornithine en monothérapie qui est actuellement le traitement de première intention contre la THA à T. b. gambiense au stade avancé. Les patients ont été suivis pendant 18 mois après traitement, afin de produire des résultats statistiquement pertinents en terme d’efficacité médicamenteuse.
Les conclusions de l’étude ont démontré que NECT est aussi bien toléré et efficace que l’éflornithine en monothérapie. Mais NECT est bien plus facile à administrer que l’éflornithine en monothérapie (qui nécessite 56 perfusions lentes pendant 14 jours), puisque le nombre de perfusions est réduit à 14, leur fréquence est diminuée de moitié et la durée du traitement est limitée à 10 jours. NECT s’adapte mieux au fonctionnement des centres de santé car elle ne requiert que deux perfusions quotidiennes, sans perfusions de nuit.
En 2003, Epicentre et Médecins Sans Frontières ont lancé l’étude à Nkayi, République du Congo, avec le Programme National de Lutte contre la THA (PNLTHA). L’étude, conduite selon les standards internationaux de bonnes pratiques cliniques (BPC), fut étendue dès 2004 par DNDi (initiative Médicaments contre les Maladies Négligées) à des sites supplémentaires en République Démocratique du Congo (RDC), Epicentre, MSF, l’Institut Tropical Suisse (ITS) et le PNLTHA de la RDC participèrent à la direction de l’étude en RDC.
“Les résultats de l’étude montrent que NECT peut apporter des améliorations immédiates pour les patients comme pour les professionnels de santé sur le terrain” remarque Emmanuel Baron, Directeur d’Epicentre. “Les associations nouvelles de médicaments existants ouvrent de larges possibilités d’amélioration pour les patients atteints de THA, alors que de nouveaux médicaments candidats suivent actuellement le long processus de développement.”
La mise en place d’études cliniques pour des traitements contre la maladie du sommeil présente plusieurs difficultés ; les patients vivent dans des régions reculées manquant d’infrastructures de santé et de capacités de recherche, également fréquemment touchées par des guerres et des troubles internes. En dépit de ces défis considérables, l’étude NECT est l’un des rares essais cliniques contrôlés et randomisés ayant abouti, et dont plus de 90% des patients ont été activement suivis sur une période de 18 mois après leur traitement.
“NECT offrira aux patients une amélioration thérapeutique pour le traitement de la maladie du sommeil au stade 2 et réduira l’utilisation du melarsoprol, un médicament toxique qui tue 1 patient sur 20.” remarque Bernard Pécoul, Directeur Exécutif de DNDi. “Pourtant, on est encore loin du traitement idéal, car des perfusions et un personnel médical formé sont nécessaires. DNDi reste déterminé dans ses efforts de recherche de traitements innovants qui répondront mieux aux besoin des patients les plus négligés.”
“Nous avons réalisé des progrès considérables en matière de contrôle de la maladie du sommeil et d’accès aux médicaments, donnés à l’Organisation Mondiale de la Santé par sanofi-aventis et Bayer Healthcare. Pourtant, le risque croissant de résistance et la complexité d’administration de ces médicaments peuvent menacer la viabilité des mesures de contrôle actuelles. Le Département de lutte contre les Maladies Tropicales Négligées de l’OMS est bel et bien déterminé à faire tout son possible pour l’inclusion rapide de NECT dans la liste des médicaments essentiels (LME) de l’OMS et pour fournir les recommandations adéquates d’utilisation de cette combinaison thérapeutique. Une fois ces recommandations émises, la distribution et la mise en application seront assurées par l’OMS. Nous sommes en partenariat avec le DNDi depuis sa création et nous considérons que la mise à disposition de cette nouvelle association médicamenteuse est une grande réussite pour les patients, et un appel clair pour les partenaires, à poursuivre la recherche et le développement de traitements nouveaux et plus sûrs.” a déclaré le Dr. Lorenzo Savioli, Directeur du Département de lutte contre les Maladies Tropicales Négligées de l’OMS.
“Les résultats de l’étude NECT donnent de l’espoir aux patients et aux médecins en Afrique subsaharienne,” remarque le Dr. Constantin Miaka Bilenge, Conseiller Spécial auprès du Programme National de Lutte contre la THA en RDC. ”Nous recherchons un traitement simple permettant d’améliorer la prise en charge des patients sur le terrain, et NECT nous offre cette amélioration pratique.”
###Informations supplémentaires###
Maladie du sommeil (trypanosomiase humaine africaine, THA)
Communément appelée maladie du sommeil, la trypanosomiase humaine africaine (THA) est une maladie potentiellement mortelle qui menace 60 millions de personnes dans 36 pays, principalement en Afrique subsaharienne1. La THA touche surtout les adultes actifs, elle a donc un grave impact économique et social sur les communautés des pays endémiques, qui pour la plupart doivent déjà faire face à la pauvreté et aux conflits armés, ainsi qu’à d’autres grandes maladies comme le paludisme. Transmise à l’homme par la mouche tsé-tsé, la THA est causée par deux sous-espèces du parasite protozoaire kinétoplastide, Trypanosoma brucei gambiense (T.b. gambiense) ou Trypanosoma brucei rhodesiense (T.b. rhodesiense). La THA T.b. gambiense touche ~97% des cas recensés et est endémique dans 24 pays; la maladie est plus chronique que son équivalent rhodesiense. La première phase lymphatico-sanguine (stade 1) est rarement diagnostiquée, car elle n’a que très peu de symptômes cliniques spécifiques. Si la maladie n’est pas traitée, elle progresse, lorsque les parasites traversent la barrière céphalo-méningée et envahissent le système nerveux central, en phase neurologique (stade 2), qui provoque des convulsions, d’importants troubles du sommeil, la paralysie, une détérioration mentale progressive et finalement la mort en l’absence d’un traitement approprié. La THA pèse lourdement sur les communautés et les familles. En 2002, l’OMS a estimé à environ 1,5 million le nombre d’années de vie ajustées à l’incapacité (DALY = Années de vie ajustées à l’incapacité: la somme des années de vie potentielle perdues en raison d’une mortalité prématurée et des années de vie productives perdues en raison d’incapacités.) causées par la THA. Une autre étude a montré que le coût supporté par chaque ménage affecté par la THA équivaut à 5 mois de revenus . Aucun nouveau médicament n’est attendu contre la THA de stade 2 dans les 5 ans, il y a donc un besoin urgent en nouveaux schémas de traitement basés sur les médicaments existants.
Epicentre
Epicentre est une organisation à but non lucratif créée en 1987 par Médecins Sans Frontières, qui regroupe des professionnels de la santé spécialisés en santé publique et en épidémiologie. Depuis 1996, Epicentre est un centre collaborateur de l’Organisation Mondiale de la Santé pour la recherche en épidémiologie et la réponse aux maladies émergentes. L’équipe d’Epicentre mène des études opérationnelles, depuis son siège à Paris, ses postes décentralisés à Genève et Bruxelles, et sa base de recherche permanente à Mbarara, en Ouganda. Epicentre apporte son expertise pour des études épidémiologiques de terrain dans les pays en développement. Par ailleurs, Epicentre élabore et réalise des modules de formation en santé publique et en épidémiologie pour Médecins Sans Frontières et d’autres partenaires. Les épidémiologistes d’Epicentre donnent des conférences et organisent des modules de formation intégrables à des programmes universitaires ou de diplôme, dans le domaine de l’épidémiologie appliquée. Enfin, Epicentre a développé une expertise dans le développement et l’installation sur le terrain de logiciels de gestion des informations sanitaires. Pour plus d’information : http://www.epicentre.msf.org.
DNDi
L’initiative Médicaments contre les Maladies Négligées (DNDi, Drugs for Neglected Diseases initiative) est une fondation à but non lucratif, engagée dans la recherche et le développement de traitements innovants et plus efficaces contre les maladies négligées, comme la maladie du sommeil, la leishmaniose, la maladie de Chagas et le paludisme. Fondée en 2003 par l’Institut Pasteur, Médecins Sans Frontières et 4 Instituts de recherche des pays endémiques, DNDi a pour mission de répondre aux besoins des patients atteints des maladies les plus négligées. Travaillant en partenariat avec l’industrie et les Instituts de recherche académique, DNDi a construit le plus important portefeuille de projets de recherche et de développement jamais établi pour les maladies provoquées par les kinetoplastides et compte actuellement 6 projets cliniques et 4 projets précliniques. En 2007, DNDi a mis sur le marché avec sanofi-aventis son premier médicament, “ASAQ”, un antipaludique à doses fixes. En avril 2008, DNDi, en partenariat avec Farmanguinhos (Brésil), a mis à disposition son deuxième médicament, “ASMQ” à dose fixe, un traitement de première intention pour les enfants et les adultes d’Amérique latine et d’Asie du Sud-est souffrant d’un paludisme non compliqué à P. falciparum. Pour plus d’information : www.dndi.org.
MSF
Médecins Sans Frontières est une association médicale humanitaire internationale créée en 1971. Elle délivre ses secours en toute indépendance et impartialité et se réserve le droit de s’exprimer publiquement sur les situations dont ses équipes peuvent être témoin. Depuis plus de trente ans, Médecins Sans Frontières apporte une assistance médicale à des populations aux prises avec des crises menaçant leur survie : principalement en cas de conflits armés, mais aussi d’épidémies, de pandémies, de catastrophes naturelles ou encore d’exclusion des soins. Toutes ces situations nécessitent des ressources médicales et logistiques adaptées. Pour plus d’information : www.msf.org.
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