Nifurtimox-eflornithine : un traitement combiné plus simple, plus sûr, et plus efficace pour traiter la THA au stade 2
Els Torreele
Chef de Projet DNDi
Le peu de médicaments dont on dispose pour traiter la THA au stade 2 sont tous associés à des problèmes de toxicité, d’efficacité, de complexité d’utilisation, et/ou de risque d’apparition de résistances. Il faudra attendre au moins encore 5 à 7 années avant l’arrivée d’un nouveau médicament pour traiter la THA au stade 2. Pendant ce temps, les associations de médicaments sont considérées comme étant le meilleur moyen de répondre aux besoins des patients. Les associations thérapeutiques permettent généralement de réduire les doses de médicaments, un point spécialement important lorsque les médicaments sont toxiques, et de réduire la durée du traitement. Elles sont plus faciles à administrer et offrent une certaine protection contre l’apparition de résistances au traitement. Au cours des dernières années, quelques études cliniques ont été menées avec des associations à base de mélarsoprol, d’eflornithine, et/ou de nifurtimox, principalement par l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers (IMTA) en République Démocratique du Congo (RDC), et par MSF/Epicentre en Ouganda et au Congo Brazzaville. Ces études ont montré que l’association nifurtimox-eflornithine est une option prometteuse, mais des recherches supplémentaires doivent être effectuées pour identifier la posologie adéquate et pour documenter sa sécurité d’emploi et son efficacité.

Début de l’étude NECT (traitement combiné nifurtimox-eflornithine) : une initiative d’Epicentre
En 2002-2003, Epicentre et MSF Pays-Bas ont réalisé une étude randomisée et contrôlée, l’étude NECT, comparant un traitement combiné simplifié d’eflornithine (7 jours, 2 perfusions/jour) plus 10 jours de nifurtimox par voie orale avec le traitement standard d’eflornithine (14 jours, 4 perfusions/jour). L’étude, conçue pour démontrer la non-infériorité avec un seuil de significativité nécessitant 140 patients minimum dans chaque bras, a débuté en août 2003 dans le cadre d’un projet de traitement de la THA de MSF Pays-Bas à Nkayi, au Congo Brazzaville. À la fin 2004, 103 patients avaient été recrutés dans l’étude (le total nécessaire étant de 280). Grâce aux activités de dépistage et de traitement intensif de MSF Pays-Bas dans la région de Nkayi, l’incidence de la THA est tombée à des niveaux très bas, et il a été décidé d’arrêter le recrutement de patients sur ce site. Conformément au protocole de l’étude, tous les patients recrutés ont été suivis pendant 18 mois après la fin du traitement pour en évaluer l’efficacité.
Sites impliqués dans l’étude clinique NECT.
Sites impliqués dans l’étude clinique NECT.

DNDi vient renforcer l’étude NECT
En avril 2004, MSF, Epicentre, l’OMS, TDR, ITS, DNDi et des experts indépendants se sont réunis pour examiner les données cliniques existantes sur l’utilisation du nifurtimox dans la THA, ainsi que les données de l’étude NECT en cours sur le nifurtimox-eflornithine à Nkayi au Congo Brazzaville. Bien que les premiers résultats sur la sécurité d’emploi et l’efficacité semblent très prometteurs, l’étude ne pouvait pas être terminée en raison du manque de patients atteints de la maladie dans la zone de l’étude.



Étant donné les bénéfices attendus pour les patients si ce traitement combiné simplifié s’avérait être efficace, et les efforts énormes déjà réalisés pour recruter plus de 100 patients, les différentes organisations ont décidé de travailler ensemble et d’élargir l’étude pour assurer un recrutement suffisant et obtenir des données statistiquement significatives. DNDi s’est engagé à financer et à gérer trois sites en RDC (Isangi, Dipumba, Katanda) et TDR s’est engagé à financer deux sites en Ouganda (Omugo, Moyo). Les nouveaux partenaires dans ce projet sont les programmes nationaux de lutte contre la THA en RDC et en Ouganda, et l’Institut Tropical Suisse (ITS). Epicentre continue d’assurer la coordination médicale, et sera aussi chargé de la gestion et de l’analyse des données. Le but de ce partenariat multicentrique est de recueillir suffisamment de données sur la sécurité clinique et l’efficacité de l’association simplifiée pour que l’OMS puisse recommander son utilisation.



DNDi finance trois nouveaux sites d’étude en RDC
En 2005, un amendement au protocole d’étude d’Epicentre a été finalisé pour permettre l’extension à de nouveaux sites et intégrer les normes internationales des Bonnes Pratiques Cliniques. Conjointement avec le programme national de lutte contre la THA (PNLTHA) en RDC, DNDi a effectué plusieurs visites pour rechercher des sites pour l’étude. Au cours de ces visites, une évaluation des besoins pour renforcer les capacités de recherche clinique a été effectuée. Le premier site choisi était Isangi dans la province orientale de RDC, où MSF Belgique (MSF-B) avait commencé un programme de dépistage et de traitement de la THA dans l’hôpital local. Après avoir rénové les installations cliniques et le laboratoire et dispensé une formation spécifique au personnel, MSF-B et Epicentre ont démarré l’étude NECT à Isangi en juillet 2005. Au bout de 11 mois, 64 patients avaient été recrutés sur ce site. Pendant ce temps, deux autres sites de l’étude ont été choisis, l’hôpital de Dipumba à Mbuji Mayi et le centre de traitement de la THA de Katanda à environ 70 Km de là, et après des mesures similaires de rénovation et de formation du personnel, les premiers patients ont été recrutés en avril et en mai 2006, respectivement. L’Institut Tropical Suisse travaille sur ces sites en étroite collaboration avec les équipes du programme PNLTHA pour la mise en œuvre de l’étude, tandis qu’Epicentre assure la coordination médicale.

État d’avancement de l’étude NECT
En novembre 2006, les trois sites financés par DNDi en RDC ont atteint leurs objectifs de recrutement, avec un total de 184 patients enregistrés dans les trois sites, qui sont venu compléter les 103 patients recrutés par MSF/ Epicentre à Nkayi. Le recrutement de la cohorte complète de 280 patients initialement prévue, a été atteint avec un total de 287 patients recrutés. La période de suivi post-traitement (18 mois) est actuellement en cours et les résultats finaux devraient être disponible d’ici fin 2008. Une analyse préliminaire des données de sécurité et d’efficacité des premiers 103 patients recrutés à Nkayi suggère que le traitement combiné de nifurtimox et d’eflornithine n’est pas inférieur à l’eflornithine seule. Si les résultats finaux de l’étude confirment ces premières observations, cette association thérapeutique devrait être supérieure aux options actuelles de traitement de première ligne pour la THA au stade 2 : elle serait moins toxique et plus efficace que le mélarsoprol (cf. The Fatal Sleep), et plus facile à utiliser que l’eflornithine. Une recommandation de l’OMS d’utiliser le traitement combiné nifurtimox-eflornithine comme traitement de première ligne pour la THA au stade 2 permettrait alors aux pays endémiques de l’utiliser et de modifier leurs politiques de traitement.




Publiée par Drugs for Neglected Diseases initiative 1 Place St Gervais1201 Genève, Suisse Tél. +41 22 906 9230 Fax +41 22 906 9231 www.dndi.org Rédaction en chef : Jaya Banerji, Ann-Marie Sevcsik Rédacteurs : Angèle Ngo-On, Denis Martin, Els Torreele, Fumiko Hirabayashi, Jana Armstrong, Joseph Ndungu, Rob Don, Simon Croft, Cécile Bridel Imprimerie : www.sro-kundig.ch Conception - Production : www.brief.fr Crédits photo : DNDi sauf mention particulière